Par quel miracle le cinéma israélien est-il de plus en plus juste et nuancé dans la description d'une société toujours plus insensible à la souffrance des autres - les Palestiniens - et à la sienne propre ? Il faudra bien un jour élucider ce paradoxe. En attendant, allons voir Jaffa, dernier avatar de cette belle vitalité. Keren Yedaya, révélée par Mon trésor, caméra d'or à Cannes en 2004, revient avec une fausse bluette, une histoire d'amour tragique et contrariée, un Roméo et Juliette araboisraélien, qui peut aussi se lire comme la métaphore d'une société aveugle et sourde.
La première moitié du film se passe à Jaffa, l'un des rares lieux de cohabitation en Israël. Reuven y tient un garage minable, où sont aussi employés son fils Meir et sa fille Mali, ainsi que Hassan, un vieil ouvrier palestinien taciturne, et son fils, le beau Toufik. Toufik et Mali s'aiment secrètement, tandis que Meir, raciste, violent et faible, supporte mal les avanies de son père - qui lui préfère presque Toufik - et la dureté de sa mère, Osnat. Voilà posé le décor, filmé «à plat» à la manière des temseliya, les feuilletons égyptiens à l'eau de rose. Le drame peut exploser, qui enverra chacun tourner seul sur sa propre orbite, comme un météore solitaire.
Ce que décrit Jaffa, c'est la vie des petites gens, durs au mal et à eux-mêmes. La ville, entièrement arabe avant 1948, est devenue une banlieue pauvre de Tel-Aviv. La pauvreté partagée ne rapproche pas Ju