Ce film est, disons-le, un des meilleurs de la décennie. Ce qui explique peut-être pourquoi il aura mis dix ans à sortir en salles. En Italie, il est encore interdit - l’affaire est remontée jusqu’en Conseil des ministres. Et il le sera probablement encore dans mille ans. Sans doute cela n’a-t-il qu’à moitié surpris nos deux cinéastes, qui avaient décidé de commencer toute l’histoire sur l’image d’un paysan sicilien cassant le cul de son âne, plan lui-même projeté dans une salle porno à l’intérieur de laquelle s’astiquent une bande de bouseux siciliens tous plus ahuris les uns que les autres.
Crucifiés. Les héros de ce film en trois parties : un gueux qui cherche à braquer des bijoux en or donnés en offrande sur une relique du Christ pour pouvoir se payer une passe chez une pute itinérante laide comme un pou… Un vieil homosexuel miséreux terrorisé par sa mère, vivant avec le cadavre de son ancien compagnon et croulant sous des rats gros comme des singes. Et, enfin, un mystique marchant sur les routes de campagne, jurant, se grattant les couilles, escorté d'un ange sur lesquels d'autres paysans, gros, laids, gras, s'acharnent. Un casting de crucifiés. Quelle résurrection possible pour ces figures des quartiers populaires de Palerme, fange de la fange, Jésus des caniveaux et des bouches d'égouts, édentés, sales et débiles, laissés pour compte absolus, oubliés des dieux ?
Cipri et Maresco, lorsqu'ils présentent ce film au festival de Berlin en 1998, reprennent le