Chambre 1. En 1991, au détour d'un voyage à Saint-Pétersbourg, la photographe Françoise Huguier pénètre pour la première fois dans un «KK», un Kommunalka, un appartement communautaire - vestige de l'ère communiste, adoptant dans le sillon de la révolution de 1917 le principe anti-bourgeois de la réquisition des logements : le proprio est désormais invité à partager son intimité avec sept autres familles. Utopique, le principe se révèle vite infernal pour tout le monde et, dès 1942, un vaste programme de reconstruction est lancé, prévoyant la suppression pure et simple des KK. Saint-Pétersbourg était déjà à la traîne. Aujourd'hui encore, elle est la dernière ville d'ex-URSS où les KK concernent toujours 500 000 occupants (11 % de la population), entassés comme des sardines, cohabitant comme chiens et chats. Autrefois, parce que le communisme l'exigeait. Aujourd'hui, parce que le capitalisme les a oubliés. Le sous-sol reste le sous-sol. La Huguier, fidèle à elle-même, commence à prendre des photos.
Chambre 2. A partir de 2001, Françoise Huguier va revenir souvent à Saint-Pétersbourg, avec comme points de chute différents kommunalki. Elle y réside des mois, fait des photos, partage des intimités. On aimerait bien dire des rêves, mais nulle trace de rêves ici. Rien que des regrets. Un livre de ces expériences répétées sort en 2008 aux éditions Actes Sud : Kommunalki, le pluriel de Kommunalka. Il est beau et, surprise, il réussit à être onirique