«Nous qui sommes bornés en tout, comment le sommes-nous si peu lorsqu'il s'agit de souffrir ?» Cette question remuante (formulée par Marivaux) est une manière comme une autre d'attraper SherryBaby de Laurie Collyer. Ce film indé, rescapé des tiroirs (il date de 2006 !), est une variation sur le thème de la réinsertion. Une jeune femme, Sherry Swanson, jolie et immature, tombée pour vol et consommation d'héroïne, sort en conditionnelle après trois ans de taule. Elle se pose dans un foyer miteux, assiste aux réunions d'anciens junkies et alcooliques, cherche du boulot… Elle essaie surtout de se refaire une image de mère digne auprès de sa petite Alexis, qu'elle a abandonnée à la naissance et dont son frère et l'épouse de celui-ci se sont occupés au point de la considérer désormais comme leur propre enfant. Sherry est impatiente de remettre d'aplomb tout ce qui jusqu'ici est allé de traviole. Mais maladroite, trop exubérante ou à vif, elle est sa propre ennemie, aggrave son cas quand elle veut bien faire.
La souffrance du personnage, sa solitude, et l'adversité alentour, la fragilité de ses attraits physiques et de ses nerfs, sa «folle envie de se défoncer» : le destin, quand il se fourvoie ainsi dans un bled pluvieux du New Jersey, ne peut plus même s'offrir le luxe du mélodrame, il se niche frileusement dans une poche de molle malédiction. La cinéaste a voulu son film au plus près d'expériences véridiques qu'elle a glanées aussi bien auprès d'ancienn