Michael Mann, 66 ans, ressemble à ses films : intelligent, solitaire, en planque à l'intérieur d'un système où il parvient, depuis Heat, Révélations, Ali, Collateral et Miami Vice, à faire à peu près ce qu'il veut. Lui qui aime tant filmer les machines parle à la cadence d'une mitraillette. Il commence : «Vous parlez anglais ? J'ai beaucoup perdu de mon français depuis que j'étais ici, en mai 1968.»
Qu’est-il arrivé au juste à Insurrection, le film que vous tourniez alors sur les événements ?
J'étudiais ici, et comme vous l'entendez [à son français, ndlr] je ne foutais pas grand-chose. Quand les événements ont surgi, avec un ami, nous avons convaincu les gens de NBC News de nous laisser tourner des interviews. On a eu Geismar, Krivine, des gens qui par principe refusaient de s'adresser à un grand média américain, impérialiste. Mais notre emballement avait réussi à les convaincre. Tout ce matériel a disparu depuis dans les archives de la NBC. 1968 a été une année mouvementée pour moi. Mon frère était déjà très impliqué politiquement, je l'avais suivi au Mexique, où les étudiants commençaient à se soulever…
Comment envisagez-vous Hollywood, fort d’un tel background politique ?
Je ne juge pas. Je m'investis dans les projets [sourire]. Et puis… le monde a changé depuis 68, et j'ai beaucoup réfléchi au fait que ça n'avait pas marché comme ça aurait dû. Je pense par exemple au Mozambique, ou comment un soulèvement étudiant a fini par aboutir à un pouvoir cynique, corrompu. Ou Cuba… Je me souviens, en France, de discussions enflammées lorsque les étudiants ont dû dealer avec la CGT, qui nous semblait r