Il y a très, très longtemps, vers 1925, une poignée de dangereux gauchistes se réjouissait que le cinéma puisse nous donner à voir ce que nos yeux tout bêtes nous refusent : le point de vue d’un autre, les gestes et la pensée d’un corps extérieur au nôtre, captés à travers son regard - plutôt que rien du tout, ou des cartes postales au kilo, privées d’intimité.
Par exemple, messieurs, grâce au cinéma, vous pourriez devenir une jeune fille de 15 ans et savoir ce que ça fait de se faire ôter son jogging et ses pompes par son beau-père, dans la moiteur d'une nuit endormie, mais un œil entrouvert quand même, retenant sa respiration. C'est le miracle qui arrive ici, dans un film dont on se méfie d'abord, eu égard à la caméra à l'épaule, tic du genre social anglais (Loach, Mike Leigh…) qui protège habituellement son lumpen-prolétariat de toute révolution par une esthétique moins socialiste que libéral qui s'acharne, par son naturalisme bigger than life, à justifier la place des pauvres dans la société plutôt qu'à la bousculer : regardez comme ils sont beaux, nos déshérités, c'est une spécialité locale, élevés et inséminés dans les bas-fonds de notre système économique.
Aquarium. Il y a un brin de ça au début, mais en version hip-hop, avec jalousie dansante entre taspés et coups de boule sur terrain vague, un appartement plein d'alcool où se prélasse une milf (Mother I'd Like to Fuck), celle de Mia, l'héroïne. Théoriquement, Mia devrait changer sa vie grâce