J'ai un passeport rouge orné d'une croix blanche en son centre. Aux Etats-Unis, on pense souvent qu'il s'agit d'un manuel de premier secours puisque les gardes-côtes sur les plages californiennes arborent le même sigle et le même code couleur. Et j'ai bien peur que ce soit cette confusion américaine qui voit Roman Polanski devenir l'otage de ce pays de douaniers secouristes qu'est la Suisse. Le yin de la croix rouge sur fond blanc est le produit d'un yang à croix blanche sur fond rouge et c'est avec une même énergie que mon pays embastille puis expulse, qu'il porte secours et répare. C'est avec la même joie chrétienne qu'il applique le droit à la lettre et condamne à distance la tyrannie. Fritz Zorn, l'auteur de Mars, voyait dans ce plaisir d'aller vers les autres l'assurance totale de ne devoir rien à personne, de rester au sec sur cette île au milieu de l'Europe.
Petit, je regardais la mer depuis Lausanne et espérais voir venir le galion espagnol, le drakkar viking qui me porterait secours, à moi, l'enfant né sur la terre ferme, bien trop ferme. Aux informations, on nous parlait des tempêtes et des raz-de-marée qui engloutissaient l'Afrique ou les Balkans, on nous montrait les secouristes suisses sauvant les mères aux seins tranchés, les ventres gonflés de rien, des petits-enfants les corps gorgés d'eau. Et nous priions le dimanche au temple pour que le monde se «suissifie», que le reste de la planète devienne le 27e canton. Avec une sincérité bouleversa