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Libération

Guibert, la vie à l’œuvre

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Mort du sida en 1991, l’écrivain avait filmé les derniers mois de sa maladie. Réédition d’un film choc.
publié le 3 octobre 2009 à 0h00

La maladie, parfois, transforme les individus en personnages de fiction, elle leur donne une apparence nouvelle qui les rend presque méconnaissables à leurs proches ou à eux-mêmes, elle oblige à parler un langage incongru, elle modifie gestes et expressions. Le regard inquisiteur de la médecine et l’œil narquois de la mort font office de feux de la rampe pour le malade qui n’a plus la joie de se croire imaginaire et ne sait ni quel texte on veut lui faire dire ni la longueur de la pièce. Hervé Guibert, par son œuvre romanesque où la part de l’autobiographie n’avait cessé de dévoiler le caractère ambivalent de toute expérience, était sans doute bien préparé, du moins théoriquement, à endosser ce rôle ultime.

Quand Pascale Breugnot, productrice d'émission psy à succès, lui propose de faire un film sur le calvaire de la maladie HIV dont il souffre (et qui le tuera le 27 décembre 1991), Guibert hésite, puis accepte et se met à l'écriture de ce qu'il conçoit d'abord comme un récit fictif dont il serait le metteur en scène et le personnage principal. Il aime le cinéma, a toujours rêvé d'en faire, mais il était plongé dans la littérature comme un autre irrémédiable et il avait juste eu le temps de devenir un très bon photographe. Il s'est mis entre juin 1990 et mars 1991 à poser la camera Panasonic sur un pied, imaginant le cadre, la situation et appuyer sur la touche «record». A la fin de ce film qu'il ne verra jamais, Hervé Guibert dit cette phrase étrange : «Il faut déjà avoi