La caméra de Frederick Wiseman semble posée depuis des lustres dans l’enceinte du Palais Garnier. Elle ne dérange personne, d’ailleurs il serait vain de perturber l’institution, la grande maison de la danse. Le cinéaste américain n’est pas venu pour en savoir plus ou pour imposer un point de vue. Ce n’est pas sa manière de procéder. Inutile donc d’espérer des révélations d’étoiles, des apartés croustillants et rebelles. Pas de peopolisation, ni même de relation journalistique. Wiseman n’a rien à dire de plus que ce qui est, que ce qui fabrique la danse.
Le seul extérieur qu’il s’autorise, c’est une vue de Paris, des légendaires toits de la maison, d’où l’on aperçoit une autre hiérarchie, cette fois architecturale, qui trace la ville. Sinon, que du dedans, jusqu’à la cantine avec gros plans sur l’assiette, aussi banale que celle d’un autre estaminet de collectivité. Des arrêts aussi dans les escaliers, dans les couloirs de bois. Le cinéaste est tombé amoureux du bâtiment, de ses alcôves, de ses bureaux et studios de répétition, où le dehors n’entre que par fenêtres et vasistas. Il prend également un chemin de traverse pour enregistrer les gestes précis d’un peintre en bâtiment, noir comme le cygne qu’il n’interprétera jamais.
Pour le reste, il se concentre sur les danseurs et la direction ou l'administration. Les répétions ne sont pas ici ce qui précèdent le moment sublime, elles portent la danse même, pleine d'humeur et de sueur. Une courte séquence et tout est là, posé sans c