Elle s'appelait Irène. Elle était actrice. Magnifique et manquant de sécurité, hésitante, peut-être. On pouvait la voir jouer, entre autres, dans la Chamade, où elle était l'amie de Catherine Deneuve. Alain Cavalier était son compagnon. Elle est morte en 1971 dans un accident de voiture, tout près de la forêt de Rambouillet. Durant la poignée d'années où ils vécurent ensemble, Alain Cavalier tenait la main courante de sa vie sur des carnets. Des agendas sur lesquels, d'une écriture serrée qui ne s'autorisait aucune marge, il consignait tout, sans aucune forme de secret : faits, gestes, projets, tourments.
Ces carnets en cours, il les laissait sur la table, Irène aurait pu les consulter, peut-être l'a-t-elle fait, il dit que non. Aujourd'hui, nous sommes dans la salle comme lisant, seuls, un des carnets. Les pages se tournent. L'année passe dans les minutes du film. On regarde. On est précipité dans une vie, dans l'intensité d'une vie, dans un deuil. On ne reculera pas. On lira tout jusqu'au bout. Parce que c'est important. Pour lui, et plus encore pour nous. Pour le cinéma, parce qu'il n'y a pas deux films semblables à celui-ci cette année. Il n'y en a pas eu non plus l'année dernière. Des films qui échappent à tout : à l'essai (non, ce n'est pas un essai, nous ne sommes pas dans le recul critique) ; à l'hommage (non, ce n'est pas un magnifique hommage, nous ne sommes pas à une cérémonie, il n'y a pas, ici, une seule seconde qui laisserait travailler le disc