Il y a toujours un certain embarras à voir un réalisateur kiffer son film quand nous-même, spectateurs, de notre côté de la barrière, on ne partage pas vraiment ce sentiment d'extase. Xavier Giannoli est devant A l'origine comme un enfant le matin de Noël quand vient la distribution des cadeaux. Ça peut se comprendre, son scénario a mis dix ans à s'écrire et des aléas de production lui ont fait perdre son décor à quelques semaines de tourner - et on sait que le gigantesque du décor, celui d'un chantier autoroutier, est au cœur du projet.
Lessivée. L'entêtement, la bravoure, ce qu'on voudra, a payé, et le film est là. Et il peut s'en féliciter. L'histoire de cette production offre même au film son plus beau côté : l'incertitude propre aux entreprises aventureuses, démesurées - et nous qui nous plaignions à longueur d'année du manque de risque du cinéma français, on devrait être servis, puisque celui-ci a décidé de se faire bon gré mal gré. Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour y voir une ironique adéquation avec ce que raconte le film : un escroc s'installe dans une petite ville du Pas-de-Calais et se pique au jeu de sa propre escroquerie. Parti pour faire les poches de toute une population déjà lessivée jusqu'au dernier centime par la crise, il laisse faire les choses et s'aperçoit à un moment donné à la fois qu'il ne peut plus reculer et qu'il y a là, dans la décision qu'il prend seul, et en mentant à tout le monde, de continuer les travaux d'un b