Comme Mistery Train en son temps, The Limits of Control est un Jarmusch qui ne fait pas immédiatement impression. On en sort indécis avant que ne passe un jour, deux jours, un mois et que l'on s'aperçoive que le film est là, encore et toujours, collé à nous, résistant à l'oubli : une autre allure.
Il suffit que vous en revoyiez une image et il remonte dans sa totalité. Vu de près, c’est un film un peu emprisonné, un peu musée. Vu de loin, chaque chose y est à sa place, disposée avec minutie sur la ligne de crête de nos mémoires, impeccable et peut-être même amer.
Imperméable. Cela ne fait aucun doute : cette façon de lancer un film dans le vide et de le laisser vivre sa vie chez celui qui le réceptionne, cela vient de la façon finalement unique avec laquelle Jarmusch procède. Il y a longtemps qu'il ne part plus d'un scénario, mais d'éléments dispersés qu'il soumet à des lois fixes, à une discipline. Ici, dans ce Jarmusch opus 13, nous avons, comme son héros (le mystérieux Isaach De Bankolé, black samouraï, taiseux, personnage de Melville perdu dans un néowestern rejoué dans le vide d'un rêve du Sud perdu entre Madrid et Almería), des rendez-vous fixes, à chaque séquence, avec une boîte d'allumettes, une phrase clé («La vida no vale nada»), une guitare sèche, un imperméable transparent, des amabilités («No hablé espagnol, verdad ?»), quelques diamants, une chambre d'hôtel et deux expressos commandés dans des tasses séparées.