Au début du film, il y a deux vieilles sœurs (et leur jeune nièce) qui s'agitent à l'étage de leur maison dublinoise parce que, comme tous les ans, elles organisent une fête pour l'Epiphanie et que c'est le branlebas de combat alors que les premiers invités arrivent. Proust parle de l'âge comme d'échasses rendant la marche «difficile et périlleuse», elles donnent surtout ici de nouveaux angle et prise de vue. C'est d'en haut que les choses et les êtres apparaissent et cette élévation est à tous points de vue la caractéristique du film.
Gens de Dublin date de 1987 et c'est cette année-là, peu après avoir terminé ce qui restera donc son dernier film, que meurt John Huston, réalisateur, entre autres, au cours du demi-siècle précédent, du Faucon maltais, de Moby Dick, Reflets dans un œil d'or et Au-dessous du volcan. C'est dire que le réalisateur américain était familier des adaptations. Le titre est celui d'un recueil de nouvelles de James Joyce dont le film s'inspire de la plus longue qui est la dernière, «les Morts» (le titre original est The Dead). 1987 est aussi l'année du Festin de Babette et les deux films sont liés par le rôle à la fois simple et central offert à un repas, et ici aussi aux chants, aux danses, aux déclamations de poèmes qui l'accompagnent ainsi qu'au retour chez soi de deux des invités, le neveu des deux sœurs et sa femme Gretta. On pourrait croire qu'il ne se passe rien mais tout est