Un festival de cinéma dans un village malien enclavé, sans eau courante, ni électricité, à deux heures du premier ruban de bitume : l'invention du Cannes écolo de demain, Copenhague style ? On la doit au réalisateur malien Souleymane Cissé qui a, un matin de la mi-décembre, jeté à Bamako quelques festivaliers dans deux bus Gana Transport décatis, fait charger quelques cartons d'eau Tombouctou et prévenu : «Il n'y aura pas d'hôtel cinq étoiles, l'aventure commence.» Cinq ou six heures de route plus tard, dont deux ou quatre en car à brinquebaler sur une piste cahoteuse, les aventuriers débarquent fourbus à Nyamina, à 180 kilomètres au nord de Bamako. En guise de Croisette, il y a les bords du Niger, et cette incroyable lumière que reflètent les eaux du fleuve. Bien plus classe. Seul hic, les festivaliers descendent des bus couverts de poussière, tels des momies, car les vitres et les portes ne fermaient pas. Le festival, sixième du nom, peut commencer.
Enfin, commencer… Un habitué, jeune vidéaste venu de la ville de Mopti, prévient en rigolant : «Vraiment, le festival, là, il n'y a pas de programme.» Souleymane Cissé, 69 ans (1), a créé un concept : le festival où l'on improvise. On n'y montre pas de films, ou très peu. Le réalisateur de Yeelen («la Lumière», prix du jury à Cannes en 1987) veut juste provoquer des «rencontres entre villageois et artistes, pour échanger et donner une autre vision de cette cité». C'est la culture au secours du