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Libération
Disparition

L’odyssée Rohmer

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Cinéaste des variations et des obsessions, dialoguiste virtuose, le maître de la Nouvelle Vague aura été tour à tour écrivain et critique avant de devenir un auteur moderne empreint de moralité.
Le cinéaste Eric Rohmer, figure de la Nouvelle vague du cinéma français dans les années 60 et auteur de fraîches comédies sentimentales, est décédé lundi matin à Paris à l'âge de 89 ans. (© AFP Marie Rivière)
publié le 12 janvier 2010 à 0h00

Les jeunes filles ont le vague à l’âme : elles viennent de perdre leur plus grand peintre. Un grand jeune homme, une sorte de Balthus Nouvelle Vague nommé Eric Rohmer, décédé hier matin à Paris. Un éternel vieux garçon qui allait sur ses 90 printemps. Peintre, Rohmer ? Ou encore architecte, musicien, écrivain. En un mot, cinéaste - si on s’en tient à sa définition particulière, celle d’un artiste ouvert sur tous les arts et n’en possédant qu’un seul : le cinéma. «Je filme parce que je ne peins pas, je n’écris pas», répondait-il en 1987 au hors-série de Libération «Pourquoi filmez-vous ?».

Pourtant, cet homme, né Maurice Schérer à Tulle (Corrèze) le 21 mars 1920, ex-brillant élève de kâgne au lycée Henri-IV, a d'abord publié, chez Gallimard en 1946, sous le pseudonyme de Gilbert Cordier (il est professeur de lettres délégué à Paris depuis deux ans et ne tient pas à ce que ses activités d'enseignant et d'écrivain ne se croisent), un premier roman, Elisabeth, écrit en août 1944, «sous les balles» qui sifflaient devant la fenêtre de sa chambre d'hôtel du Quartier latin. Le livre se tient au seuil du Nouveau Roman (il ne se passe pour ainsi dire rien) tout en restant, stylistiquement, dans le giron de Gide. Il ne recueille aucun succès.

Le jeune enseignant se détourne de l'écriture, sans en vouloir à la littérature (il traverse une période existentialiste née de la lecture de Situations 1 de Sartre), pa