Les jeunes filles ont le vague à l’âme : elles viennent de perdre leur plus grand peintre. Un grand jeune homme, une sorte de Balthus Nouvelle Vague nommé Eric Rohmer, décédé hier matin à Paris. Un éternel vieux garçon qui allait sur ses 90 printemps. Peintre, Rohmer ? Ou encore architecte, musicien, écrivain. En un mot, cinéaste - si on s’en tient à sa définition particulière, celle d’un artiste ouvert sur tous les arts et n’en possédant qu’un seul : le cinéma. «Je filme parce que je ne peins pas, je n’écris pas», répondait-il en 1987 au hors-série de Libération «Pourquoi filmez-vous ?».
Pourtant, cet homme, né Maurice Schérer à Tulle (Corrèze) le 21 mars 1920, ex-brillant élève de kâgne au lycée Henri-IV, a d'abord publié, chez Gallimard en 1946, sous le pseudonyme de Gilbert Cordier (il est professeur de lettres délégué à Paris depuis deux ans et ne tient pas à ce que ses activités d'enseignant et d'écrivain ne se croisent), un premier roman, Elisabeth, écrit en août 1944, «sous les balles» qui sifflaient devant la fenêtre de sa chambre d'hôtel du Quartier latin. Le livre se tient au seuil du Nouveau Roman (il ne se passe pour ainsi dire rien) tout en restant, stylistiquement, dans le giron de Gide. Il ne recueille aucun succès.
Le jeune enseignant se détourne de l'écriture, sans en vouloir à la littérature (il traverse une période existentialiste née de la lecture de Situations 1 de Sartre), pa