En cet après-midi de vacances scolaires, la salle de ce cinéma de Johannesburg est à moitié vide. On y joue Invictus, qui n'a pas provoqué de rush en Afrique du Sud : 48 000 entrées le jour de sa sortie, le 9 décembre. La lumière se tamise. On aspire à pleine paille le demi-litre de Coca acheté à l'entrée en grappillant du pop-corn. Qu'est ce que les Sud-Africains peuvent bien attendre d'un film américain tiré d'un livre écrit par un Anglais, le journaliste John Carlin ?
Arc-en-ciel. Dès les premières images, Morgan Freeman, dans le rôle de Nelson Mandela, rentre en scène. L'ennemi juré du régime d'apartheid sort tout juste de prison, en 1990. Sur la route qui le mène vers la liberté, il traverse deux terrains de sport. A sa droite, des enfants blancs jouent au rugby sur une pelouse verdoyante et regardent passer la Mercedes noire avec méfiance. A sa gauche, des enfants noirs jouent au football sur du sable et acclament leur leader. Dans Invictus, pas de suspense. On connaît la fin avant de l'avoir vue.
La Coupe du monde de rugby organisée en 1995 en Afrique du Sud a été remportée par les Springboks sud-africains contre les All Blacks de Nouvelle-Zélande. La nation arc-en-ciel s’est dotée ce soir-là du plus fort symbole de sa réconciliation : Nelson Mandela, premier président noir, a endossé le maillot des Springboks, emblème de l’ancien régime raciste. A la fin du film, le pays est uni. Les policiers blancs portent des enfants des rues sur l