Né en 1937, Luc Moullet, un temps critique, est devenu un cinéaste idéalement intempestif, depuis un Steak trop cuit(1960) à la Terre de la folie du jour.
La première image?
Jour de colère (Carl Theodor Dreyer, 1943), film que j'ai vu à 9 ans et demi. C'est au tout début, la mise en place d'un bûcher qui va permettre de brûler la vieille «sorcière». L'organisation mécanique et somme toute distanciée, propre, du supplice. Le contraste entre la souffrance infligée et le côté froid, impersonnel, sans intervention humaine de l'exécution accroît l'émotion et notre opposition morale au supplice. Il y a beaucoup d'autres scènes du film qui m'ont profondément touché, mais celle-là était la toute première. Ce n'est que cinq ans plus tard que je verrai le bûcher de la Jeanne d'Arc de Dreyer, tourné bien avant.
Le film (ou la séquence) qui a traumatisé votre enfance ?
Huit Hommes dans un château de Richard Pottier, que j'ai vu à 8 ans. Il s'agit d'une production très banale, à classer dans le cinéma d'angoisse, de terreur. Le suspense, les ombres, les incertitudes m'avaient d'autant plus marqué que le film avait été projeté dans la maison qui jouxtait la mienne au cours d'une tournée d'ambulants. J'avais l'impression que les meurtriers pouvaient surgir à tout instant d'entre les murs.
Le film que vos parents vous ont empêché de voir ?
Nul n’a pu m’empêcher de voir un film que je désirais voir. Mes obligations scolaires, réelles ou supposées, me servaient d’alibi.
Une scène fétiche ou qui vous hante ?
C’est, comme pour beaucoup de cinéastes (Godard, Scorcese), le duel au soleil, final du film homonyme de Vidor. Le côté «ni avec toi, ni sans toi», les amours idéaux et impossibles qui nous ont tous frappés à un moment de notre vie, et surtout l’art extrême et nouveau de chaque pl