Gainsbourg (vie héroïque) est déjà en soi un titre snob, mais son auteur y a rajouté des manières, soulignant l'accroche d'une coquetterie supplémentaire : «Un conte de Joann Sfar.» Un conte, donc - et surtout pas un simple biopic, sous-entendu à la différence de la Môme ou de Coluche. Comme on se situe en dehors du rapport de fan ou de détestation qui entoure désormais tout ce que touche le dessinateur du Chat du rabbin ou de Grand Vampire, il faut voir, sur les blogs, la somme d'a priori que ce simple «un conte de…» a pu déchaîner.
Gainsbourg est un tel trésor national cool qu’on s’étonne aussi que le dessinateur prolifique ait pu faire passer dans une reconstitution coûteuse les quelques idées visuelles et scénaristiques qui tiennent ce film à des kilomètres du Panthéon mi-filmé mi-récité d’usage. D’autant que Sfar a une idée précise et inattendue du cas Gainsbourg : l’enfant juif et le peintre insatisfait, sinon raté, l’intéressent plus que le chanteur. Pour pouvoir passer de l’un à l’autre, il invente un monstre, une sorte de double diabolique, une mauvaise voix qui guide Gainsbourg dans son pacte avec le diable (la pop, le succès, l’art mineur). Comme Sfar ne fait pas à cette idée-là une moitié de sort, il va figurer cette voix, lui donner les atours d’un corbeau en costard noir monté sur échasse. C’est son côté cartoon, haine du naturalisme et désir de tenter en France une formule à la Tim Burton (ou Fellin