Ce n'est pas seulement parce qu'il est le seul festival international de cinéma qui a lieu au cœur, et parfois au pire, de l'hiver, que Berlin a su dessiner sa singularité face aux deux autres «monstres» estivaux, Cannes en mai et Venise en août. Des rivaux souvent plus T. rex que mammouths quand ils jouent en sourdine la petite musique du «il y a un festival de trop». Devinez lequel ? Certes, Berlin pâtit du calendrier. En février, bon nombre de productions attendent le prestige d'être sélectionnées par le «plus grand festival de cinéma du monde» (en français, Cannes). En 2004 par exemple, Carnets de voyages de Walter Salles fut déprogrammé au dernier moment pour cause de sirène cannoise. La guerre est également à peine feutrée entre Berlin et Cannes à grand coup de films du jeune cinéma allemand alternativement pris en otage par l'un ou l'autre. Mais Berlin, au bilan de ses soixante ans d'existence, n'a vraiment pas de quoi complexer.
Guerre froide. Né en juin 1951, le festival fut inventé par les alliés américains et britanniques qui géraient l'ancienne capitale du Reich. Le but est ouvertement propagandiste : le festival doit servir de vitrine culturelle de l'Ouest et, la guerre froide frisant alors la congélation, de tête de pont au cœur de la RDA communiste. La direction fut confiée à l'historien du cinéma Alfred Bauer qui, dans les années 40, avait travaillé pour la Reichsfilmkammer (le bureau du cinéma du Reich) avant de devenir, après guerre