Reine des pommes ? Le générique du premier long métrage de Valérie Donzelli suggère plutôt reine des connes : c’est-à-dire obstinément heureuse alors qu’autour d’elle tout conspire à la contrarier, aussi bien les vilains enfants qui la canardent de bombes à eau qu’un quidam pas sympa qui d’un coup de coude lui fourre son cornet à glace dans les narines. Petits malheurs suivit d’un grand : Mathieu, son fiancé, la quitte tout à trac. Adèle est au désespoir, Adèle veut mourir. Aux larmes, etc. Classique, voire fatigant. Mais le risque d’un début de bâillement est immédiatement contrarié par le surgissement d’une fantaisie à bride abattue. Qui tient à la responsable en chef : Valérie Donzelli réalise le film mais elle interprète aussi le rôle d’Adèle.
Or, il y a dans cette femme jeune et jolie une puissance comique inouïe qui tient pour beaucoup à sa mine de stupeur permanente mais aussi, sous ce masque, à un air de gravité, voire de punaise, nettement plus intrigant. Il y a de la donzelle dans Donzelli. Profonde à force d'être superficielle, comme dans une chanson de Charles Trenet. Celle qu'on entend dans le film («fais ta vie, tu verras ça ira») n'est pas mal, mais on pense aussi au célébrissime Y a d'la joie, dont la sautillante ritournelle se termine par le suicide du fou chantant.
Valets. La Reine des pommes est dans cette ambiguïté permanente : on rit du malheur de cette pauvre pomme et en même temps la pomme, comme dans Blanc