Pour son premier long métrage, Xabi Molia s’est livré à un instable et réjouissant exercice d’équilibre. Il a filmé les trébuchements d’une femme sur le point de s’effondrer socialement, physiquement et moralement. Elsa (Julie Gayet, qui tient le film de bout en bout) n’a plus de boulot, plus de famille ni d’amis à ses côtés, bientôt plus d’appartement et plus une goutte de confiance en elle.
Plutôt que d’affronter un jeu social dont elle n’a plus l’envie ni la force de comprendre les règles, elle rompt un à un les minces liens la raccrochant au monde qui l’entoure. Et, lorsque l’unique bouée de sauvetage se présente sous les traits d’un voisin virant SDF (Denis Podalydès), elle ne voit plus guère de motif pour s’intéresser à son avenir.
Cette précarité qui fait le cœur de son film, Molia a su l'utiliser pour brouiller les pistes, s'approchant souvent à la frontière de tous les clichés misérabilistes ou compassionnels du genre pour mieux les esquiver. Elsa se fait draguer par une caricature de beauf qui, finalement, se révèle un brave type. A l'inverse, le seul personnage capable de lui donner un coup de main la laisse choir au premier obstacle. De même, le film s'amuse à alterner les registres, passant sans prévenir de la tragédie au comique grinçant de situation au travers de désastreux entretiens d'embauche («Je crois que ma qualité principale est le doute», se définit suicidairement Podalydès). Ce jeu de cache-cache, qui rappelle formellement Wendy and Lucy,