Le visage du jour est celui d'une contrée de rêve, comme Proust et sa Recherche du temps perdu exégétique parlent de «Noms de pays. Le Nom.» Celui-là, au royaume de Canaan, Israël. Moutons bêlants et berger aidant, on dirait «la Vallée heureuse» de Campan, Hautes-Pyrénées, mais pas du tout ; c'est un paysage plus biblique que nature.
Les visages qui suivent sont plus humains. Pour commencer, celui d’un berger kibboutznik biologiste en chapeau gondolé, à la clé du troupeau de brebis, dorées comme les confins : Micha Celektar. Un autre jeune homme doux, bien que grave jusqu’à l’austérité cléricale, d’abord vaguement écœurant à ce titre rigoriste, nous sourit ensuite, flou de coquetterie dans l’œil. Ce rabbin, de noir d’encre immémorial vêtu au soleil de Judée, Baruch Brener, est un frère, à trente ans de distance - celui du berger bio.
Bible ou pas, yeshiva ou non, la fraternité nous regarde. Nous entrons sans résistance dans celle-là, entre Daniel et Aaron, rôles-titres littéraux du film passionnel Dan et Aaron. A priori, rien de commun entre ces frères argentins que les circonstances réunissent. Rien qu'une parenté supposée, lointaine jusqu'à l'abstraction, distendue par trois décennies d'oubli, d'étrangeté ressentie amèrement comme autant d'abandon par l'un et l'autre frère.
L’un, Daniel, laïc militant terre à terre, ne peut pas souffrir les simagrées dodelinantes déguisées des Mea Shearims, qu’il considère, avec une bonne p