Historien spécialiste des Etats-Unis à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess), Pap Ndiaye explique pourquoi la mobilisation des intellectuels américains semble plus difficile et moins efficace que celle du monde du cinéma.
L’affaire Polanski a montré une fois de plus que l’opinion se faisait à Hollywood, même si dans ce cas les réactions ont été d’abord corporatistes.
Une partie des acteurs et réalisateurs de Hollywood s’est mobilisée pour Polanski, ce qui ne signifie pas que Hollywood ait de l’influence sur l’opinion publique américaine en général. Le contraire est même probable : si la mobilisation de Hollywood avait un poids politique, jamais George W. Bush n’aurait été élu (et réélu), par exemple. Le Hollywood politiquement engagé est dans l’ensemble plus libéral, plus à gauche et plus cosmopolite que la société américaine en général. Les Américains considèrent les vedettes de Hollywood comme vivant un peu à part, avec des normes morales relâchées, de sorte que le soutien à Polanski est perçu comme la réaction corporatiste d’une communauté particulière.
Il y a donc aux Etats-Unis un anti-intellectualisme. Depuis quand ?
Il existe incontestablement une tradition anti-intellectuelle dans la vie publique américaine, que l'historien Richard Hofstadter décrit brillamment dans un ouvrage célèbre publié en 1963 (Anti-Intellectualism in American Life). Il montre que l'anti-intellectualisme est cyclique, et lié dans la période contemporaine à la droite extrême. Le maccarthysme en est l'exemple le plus classique. Depuis les années 1980, le Parti républicain a donné un coup de barre du côté de la droite populiste. C'était vrai avec Reagan, moins avec Bu