A parier pouvoir raconter une heure vingt de la trajectoire d'un pneu psychopathe dans le désert américain dézinguant tout ce qui viendrait à enfreindre son avancée (lapins, flics, femmes de ménage), on peut rapidement trouver la sortie de route. Le faire en plus avec humour et distanciation frise la présomption. Cannes, après tout, c'est des centaines de films qui jouent à fond le drame, les larmes, les flonflons, le cul, et voilà que ce type, pas rasé, la trentaine, déjà auteur d'un ovni comique (Steak), qui partage le reste de son temps en étant un (incroyable) musicien electro (sous le patronyme Monsieur Oizo), se pointe et casse le jouet. Et, en plus, il le fait avec une classe et un soin qui frisent la monomanie.
Que Dupieux-Oizo ait donné un prénom à son pneu (Robert), pourquoi pas (il est fils de garagiste, ça doit être œdipien ou quelque chose dans le genre). Qu'il ait tourné ça quasi seul en deux semaines dans le désert américain (ce qui nous évite l'effet Groland : le projet est intransposable en région Franche-Comté), tant mieux. Mais qu'il obtienne juste la plus belle image du Festival en ayant tourné Rubber sans chef-op', et avec seulement un appareil photo numérique d'une valeur marchande de 2 500 euros mis en mode Motion Picture, c'est juste un gros bras d'honneur à la profession. En 1995, on se souvient que les Daft Punk vendirent 6 millions d'albums d'un disque enregistré à la maison, quand les maisons de disques, complètement dépassées, se