A quoi rêvaient les moines de Tibéhirine dans les mois et semaines qui précédèrent leur disparition, en 1996, au plus fort de la quasi-guerre civile qui ensanglantait l’Algérie ? Xavier Beauvois est plutôt le cinéaste que l’on n’attendait pas pour poser cette question. Complexe, tragique et politiquement délicate question.
Avec Des hommes et des dieux, il ne prétend pas en trancher toutes les énigmes, loin de là, prenant même bien soin de signifier en quelques endroits le seuil exact qu'il n'entend pas franchir. Ces hommes-là sont morts sous quel feu et dans quelles circonstances ? Voilà un problème pour la justice auquel le film ne répond pas.
Pour leur rendre vie plutôt qu’hommage, Xavier Beauvois a converti la question des moines de Tibéhirine en question de cinéma. Comment les imaginer, comment les regarder, comment reconstituer les réalités de leur rugueuse existence, évoquer l’éternité de leur monachisme, respirer un peu de leur air et de leurs paysages ?
Le quotidien du monastère (et du petit village kabyle qui, quoique musulman, lui est uni comme partout, de tout temps, paysans et abbayes) forme la toile soutenue, vivante, simple et presque pastorale des Hommes et des dieux : la récolte du miel, les chapitres, chants, prières, psaumes et cloches, les repas et les consultations médicales de fortune en battent le rythme immémorial.
Fantôme. Malgré la tension qui contamine la région, malgré le sourcil froncé des autorités «tristes et f