C’est un choc. Qui tient à la violence du film, d’autant plus suffocante qu’elle semble naturelle, mais surtout à la certitude qu’on a vu (enfin ?) en compétition officielle un film de cinéma qui se préoccupe d’autre chose que de pipi de chat. Nous sommes en Russie aujourd’hui, au volant d’un camion conduit par Georgy, jeune chauffeur routier blond et baraqué dont la vie privée semble se résumer à une citation d’appartement et à une fiancée recroquevillée sur un canapé. Il roule sur les routes défoncées de la Russie comme on picole : le plus longtemps possible jusqu’à l’abrutissement.
Gourdin. Sa ligne de conduite est une ligne de fuite, qui va se briser sur le mur de quelques rencontres : un vieil homme qui s'incruste en auto-stoppeur et une très jeune pute, asphalteuse qui racole les routiers. Le premier lui raconte un souvenir de guerre qui plombe quelque peu la légende dorée de l'Armée rouge. La seconde va l'entraîner sur un itinéraire bis qui hésite entre le gouffre et le cul-de-sac. Croyant prendre un raccourci, Georgy échoue dans un patelin qui hésite entre Délivrance et le Village des damnés. C'est un dialogue clé dans un film pas bavard : «- Où conduit cette route ? - Ce n'est pas une route, c'est une direction. - En direction de quoi ? - En direction de nulle part.»
S'ensuit l'enfer. Mais un enfer civil et civilisé où les flics sont des mafieux, et les mafieux des flics, un enfer où règne, comme un mode de survie ordinaire,