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Libération
Interview

«On assiste à une régression mémorielle»

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L’historien Benjamin Stora déplore la polémique : les massacres de Sétif ne divisent pas les chercheurs.
publié le 22 mai 2010 à 0h00

Historien, Benjamin Stora enseigne à l'université Paris XIII-Villetaneuse (1). Selon lui, la levée de boucliers qui a accueilli l'annonce dans la sélection au Festival de Cannes du film de Rachid Bouchareb, Hors-la-loi, est doublement étonnante. D'abord parce qu'on n'avait plus vu depuis longtemps un scénario de film soumis à la «critique» de politiques. Ensuite parce que, réalisé par un Algérien, le film était immédiatement suspect. Retour sur une polémique rétrograde.

Le film de Rachid Bouchareb n’a été vu par aucun de ceux qui l’ont contesté. Sur quoi se basaient-ils pour l’attaquer?

Une des versions du scénario est arrivée entre les mains du secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Hubert Falco, qui l'a transmis à un général pour avis. Ce général l'a lu, a émis des réserves, après quoi le ministre a formulé des observations négatives. Après lui, Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, a parlé de falsification de l'histoire, de film «antifrançais», «antinational».

Le film a été co-financé par la France, la Tunisie et enfin l’Algérie.

Il n’existe quasiment plus de film enfermé dans des frontières de financement strictement nationales et à qui on donnerait la mission de défendre les couleurs d’une nation. Cette conception date des années 30, notamment du cinéma colonial.

Les détracteurs du film s’en sont pris au passage qui concerne les massacres de Sétif.

Le cinéma de fiction, français ou algérien, n’a jamais raconté l’histoire de Sétif. C’est pourtant une histoire connue et sur laquelle les historiens sont tous d’accord. Il s’agit d’un épisode sanglant de l’après-Seconde guerre mondiale. Le 8 mai 1945, des manifestations ont eu lieu un peu partout en Algérie. A Sétif, petite ville du Constantinois, des manifesta