Pendant des années, le responsable du ministère de l'Orientation islamique chargé de la censure des films était un… religieux aveugle. Ses assistants lui racontaient les images qu'ils voyaient et lui jugeait quelles scènes devaient être gardées, quelles autres supprimées. L'allégorie est belle, mais elle fut terrible pour les cinéastes iraniens obligés de se soumettre aux interdits du mollah - le cinéaste Mohsen Makhmalbaf y fait référence dans Salam Cinema.
Mais rêvons un instant à une caméra, cette fois en liberté, qui descendrait Vali Asr, la grande avenue dédiée au «Maître du temps», l’une des plus longues du monde, qui traverse, selon un axe nord-sud, l’immense métropole de Téhéran (15 millions d’habitants). En haut, sur les piémonts de la formidable barrière minérale qu’est l’Alborz, encore émaillée des neiges de l’hiver, elle filmerait les gigantesques centres commerciaux où toute une jeunesse branchée vient s’afficher et draguer. Elle s’attarderait sur les vitrines des magasins où l’on cherche à faire riche à tout prix, que l’on y vende des fringues ou des voitures. Elle s’immiscerait dans les soirées de la classe aisée où les fêtes, baignées d’alcool de contrebande, sont folles. Elle volerait ici ou là une image interdite, comme celle d’un intellectuel allongé dans son salon avec quelques amis devant la pipe d’opium rituelle du vendredi.
Près de la place Vanak, haut lieu de la récente révolte contre la dictature religieuse, elle chercherait à décrypter les gr