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Libération
Critique

L’adieu aux âmes

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Palme d’or . Rencontre avec Apichatpong Weerasethakul, pour son «Oncle Boonmee» placide et halluciné.
publié le 1er septembre 2010 à 0h00

Reconnaissons aux critiques du Figaro, dépêchés sur la Croisette en mai dernier, de nous avoir facilité la tâche. Ils ont été à l'avant-garde de ce combat de l'arrière : ils se sont insurgés contre le film ayant cette année remporté la palme d'or. En proclamant bien fort, par l'écrit et par l'image (1), qu'Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures leur était «incompréhensible», ils ont laissé tomber sans le faire exprès le masque, ou plutôt le bonnet, qui cachait leurs grandes oreilles. Ils n'ont pas dit qu'ils n'aimaient pas le film d'Apichatpong Weerasethakul pour telle ou telle raison. Ils ont dit qu'ils ne comprenaient rien au «nanar», «obscur et hermétique», «interminable et assommant» de ce Thaïlandais au nom imprononçable, et que, puisqu'elle ne leur était pas accessible, cette palme était élitiste. En d'autres termes, ce que veulent signifier ces critiques ayant renoncé à l'être, c'est qu'Oncle Boonmee est «un film pour cinéphiles», comme on l'entend dire de plus en plus souvent à propos des films présentés, et récompensés, à Cannes. Tsai Ming-liang, les Dardenne et quantité d'autres en font régulièrement les frais.

Pur bloc d'abîme. On pourrait s'interroger longuement sur ce que serait un festival de Cannes non cinéphile, mais il y a plus intéressant : ce mot de cinéphilie, si fort autrefois, si dévalué aujourd'hui, et surtout si peu fiable qu'il était devenu sage de ne plus s'y