«Chabrol, c’est la France.» Pour le meilleur et pour le pire, cette idée aura été la première à jaillir spontanément du fleuve de commentaires qui s’est formé depuis l’annonce, hier matin, de la disparition du cinéaste. C’est un cliché qui, comme tous ceux de son espèce, abrite une part de vérité, devenue une évidence. Mais tout dépend de ce que l’on entend par là.
«Chabrol, c'est la France», exprime d'abord un sentiment d'incarnation réciproque : le cinéaste est imprégné par le décor de sa vie d'homme et le contexte de ses origines, et son cinéma en distille infiniment les essences. D'autres que lui ont pu occuper cette place, Jean Renoir en étant le plus éminent patron. Mais, si le cliché a si bien fonctionné avec le metteur en scène du Beau Serge et du Boucher, c'est surtout parce que nous nous sommes reconnus sur la photographie.
Comme on peut le dire de la somme de Balzac, la filmographie chabrolienne forme une très cohérente comédie humaine française. Mais il ne faudrait pas confondre cette perspective avec un cinéma de terroir qui exalterait les racines et exhalerait la terre. Le cinéma de Chabrol ne s'identifie pas au terroir, mais au territoire de la France (DOM-TOM compris, comme dans Rien ne va plus). Et pas n'importe laquelle : une France qui a presque rompu avec la paysannerie, sauf cas historiques, telles les adaptations de Madame Bovary ou du Cheval d'orgueil. Une France de la bourgeoisie soigneusement étudiée dans se