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Libération
Interview

«Le spectateur est une cire vierge»

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Interview . Xavier Dolan, réalisateur des «Amours imaginaires» :
publié le 29 septembre 2010 à 0h00

Il bâille. Il est 11 heures, il s'excuse : «C'est encore tôt.» Il déclame Racine sans se tromper, il agite beaucoup ses pieds. Xavier Dolan est bouclé dans les bureaux de MK2 à Paris pour quelques jours d'entretiens enchaînés.

Votre cinéma utilise un certain nombre de procédés rhétoriques assez marqués. Cela signifie-t-il que vos personnages «se font un film» ?

Oui. On croit parfois que c'est en hommage à des cinéastes et à des films que je n'ai jamais vus. Mais ces procédés ont une fonction esthétique, pas esthétisante. Par exemple, les ralentis. Dans J'ai tué ma mère, ils rappellent la solitude des personnages, donnent à leur quotidien trivial le côté élégant, fluide, qui leur manque. Dans les Amants imaginaires, le ralenti a une tout autre signification. C'est ce sentiment, quand on est en amour, de léviter, d'être déconnecté de l'environnement. Quand j'étais vraiment amoureux, il m'arrivait de ralentir mon corps et je marchais presque au ralenti dans la rue. C'est un état anormal, on vit autrement, c'est ça que je voulais montrer. Les amours sont imaginaires à partir du moment où apparaît le lapin blanc dans les bois et jusqu'à ce que Francis et Marie se battent dans la forêt. C'est une parenthèse onirique. Tout pourrait être dans leur tête. Les gestes de Nicolas, les contacts aléatoires, tout est interprété et déformé à travers la lunette magnifiante du cœur malade. On est dans la peau de personnages qui tordent la réalité à leur convenance, à leur satisfaction, à partir d'un amour superficiel. Il n'y a pas de profondeur. C'est la raison pour laquelle Nicolas ne peut pas être un