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Libération
Critique

«Entre nos mains», usine en cinémascop

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35 heures. Mariana Otero filme sans fard des ouvrières d’une entreprise de lingerie qui s’organisent en coopérative.
(Diaphana)
publié le 6 octobre 2010 à 0h00

«Vous avez compris l'histoire du capital ?» Si le contexte n'était pas si sombre, la phrase prêterait à sourire, tant elle est symbolique de cette lutte inégale et séculaire entre classe ouvrière et patronat. On est en plein dedans avec Entre nos mains, un film documentaire de Mariana Otero sur une entreprise de lingerie près d'Orléans confrontée à la faillite. Ou plutôt sur ses salariés, en majorité des femmes, qui vont tenter de la reprendre en coopérative, en Scop (société coopérative de production) et donc de passer du statut d'employées à celui d'associées.

«En vrac». Pas simple, le changement d'état, un des motifs autour desquelles tourne le film - monté sans voix off, ni interview ni commentaires. Juste la parole brute : «On nous a jamais rien demandé, maintenant on nous demande notre avis», dit l'une (on n'a pas les prénoms, pas plus que leur fonction exacte), habituée qu'elle est à une hiérarchie claire. «On n'est pas assez calées, faut être dans le système», dit l'autre quand se posent les questions de financement. «On n'est que des ouvrières, quoi», résume une autre. En blouse ou pas, triant des strings ou installant des soutiens-gorge, à la cantine (les gamelles viennent de la maison), la caméra les suit dans les locaux. Le tournage a été autorisé par le patron, à la condition que jamais il n'apparaisse à l'image. Statue du commandeur, qu'on sent respecté et craint, et qui, en restant hors-champ, incarn