Impossible de ne pas penser à Elephant Man en voyant Venus noire. L'exhibition de Saartjie Baartman, jeune fille d'Afrique du Sud au fessier volumineux, dans un bouge de Piccadilly vers les années 1810, rappelle le cas de Joseph Merrick, homme-monstre au corps et au visage déformé par la neurofibromatose et qui devint un phénomène de foire dans une boutique minable de Whitechapel à partir de 1884. Le chef-d'œuvre de David Lynch relatant son histoire est cité par Abdellatif Kechiche dès la première séquence : un amphithéâtre bondé, un scientifique sur l'estrade, une silhouette dérobée aux regards sous un drap qu'un assistant retire d'un geste théâtral. Le regard savant et la pulsion voyeuriste s'indiffèrent le temps d'un haut-le-cœur général. Mais le parallèle s'arrête là, car Elephant Man est encore un film humaniste. Sous le freak censé nous faire peur, on découvrait notre semblable atrocement terrifié.
Kechiche raconte une histoire moins rassurante, en tout cas moins propre à susciter les larmes, en faisant de la Vénus hottentote un sujet-objet intégralement manipulé et néanmoins irrécupérable, une présence obtuse offerte à la prédation de publics qui ne savent pas ce qu’ils sont venus chercher auprès d’elle. Pendant 2 h 40 va se répéter (en l’aggravant) un numéro qui consiste à faire de l’Africaine une sauvage à dompter, d’abord enfermée dans une cage, puis tenue en laisse, s’exprimant par borborygmes et feulements, offrant son gros derr