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Libération
Critique

Et Ingmar Bergman inventa la voix ouf

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Asile . Première sortie en salle d’En présence d’un clown, téléfilm tardif qui délire l’histoire du cinéma parlant.
publié le 3 novembre 2010 à 0h00

Le cinéma de Bergman, c'est la lanterne magique. Projection de spectres sur un écran-suaire, naissance de lubies sur le mur noir de l'enfance. Mort, mais surtout transfiguration. Parmi les fantômes, il y en a au moins un de visible, ici, en rêve, et risible. Il s'appelle Rig-Mor (comme rigor mortis), est habillé en clown et de sexe féminin, un peu mûre, avec de beaux seins et un fort accent français. Elle enjoint au héros de la sodomiser - mais alors tout de suite.

Le héros d'En présence d'un clown, film tourné par Bergman en 1998 pour la télévision suédoise, diffusé à la télé française mais inédit en salle, n'est autre que l'ingénieur «Trouvetou» Carl Akerblom, l'oncle Carl de Fanny et Alexandre, et celui de Bergman lui-même, tel qu'il l'a raconté dans le scénario des Meilleures Intentions. Mélancolique chronique, fan de Schubert, Akerblom se trouve au début du film à l'hôpital pour fous d'Uppsala, dans un dortoir désert où on l'a placé pour le calmer. On apprend un rien plus tard qu'il est là parce qu'il a lancé une chaise au visage de sa fiancée. C'était ça ou la prison.

Procédé. La première image montre sa main relevant compulsivement le stylet d'un gramophone, répétant inlassablement le début du dernier lied du Winterreise de Schubert, celui du joueur de vielle, «merveilleux vieil homme» personnifiant la mort promise. Au médecin qui vient lui rendre visite, Akerblom demande, tout en se fichant de lui,