Sur l'affiche de My Joy, reprenant la première séquence du film, on jette un corps dans une fosse pleine de ciment. C'est un chantier au premier stade des fondations. Bientôt, il y aura un immeuble et des gens vivront là sans savoir qu'un mort anonyme gît sous leur surface habitable. Par mail, on demande au cinéaste Sergueï Loznitsa qui est la personne dans le trou ? «I don't know.» Nous voilà bien avancé. Mieux vaut être prévenu, le film ne peut plaire à ceux (il en reste) qui ne jurent que par l'enchaînement implacable des causes et des effets au cœur d'un récit linéaire. My Joy commence comme un road-movie mais, pour ça, il faudrait encore qu'il y ait une route à suivre, un destin à tracer par la seule force d'un entêtement à aller de l'avant. Ici, tout est différent, l'attention bifurque, l'histoire se désaxe, les personnages sortent de nulle part (et ne tardent pas à y retourner), la chronologie bégaie et le film tourne sur lui-même comme une vrille qui creuse des galeries dans la terre, et dans la tête.
Zombies à cabas. Pour reprendre les analyses de Deleuze sur l'Idiot de Dostoïevski, on dira que le film est pris dans une urgence, un problème de vie ou de mort, il court comme un dératé et puis s'arrête parce qu'il s'aperçoit soudain qu'il y a une urgence plus pressante encore, ailleurs, mais qu'il ne parvient pas à saisir ou à nommer. Tout peut s'effondrer alentour, il faut à tout prix résoudre ce problème. Mais, bon