Le texte le plus incendiaire sur la guerre civile libanaise, Incendies de Wajdi Mouawad, ne mentionne jamais ni le Liban, ni Beyrouth, ni le Chouf, ni la prison de Khiam, ni les Palestiniens, ni les phalanges libanaises (Kataëb), ni les Israéliens, ni les Syriens, ni les Druzes, ni le mouvement chiite Amal ou qui que ce soit d'autres encore des intérêts impliqués jusqu'au cou dans cette boucherie (soit, à un moment donné, une bonne moitié de la planète). Le film que Denis Villeneuve vient de tirer d'Incendies s'est plié à ce contre-pied. Mieux, c'est à partir de cette occultation des noms de lieux, des noms de gens, des noms de guerre que sa mise en scène a su fonder un espace singulier qui est aussi la forme aiguisée de son intelligence.
«Champ de mines». Résultat : si on veut toucher à l'horreur pure du conflit libanais entre 1975 et 1990, il est plus qu'urgent de se ruer sur ce film canadien. Pourquoi, en ne nommant pas, Mouawad a-t-il touché à l'essentiel de la question libanaise ? Et pourquoi, en respectant cette oblitération, Villeneuve réussit-il à accéder à quelque chose (une forme d'impartialité et de démystification de la guerre, où la sauvagerie ne se confond plus avec une sorte d'héroïsme magnétique) qui continue de se refuser au jeune cinéma libanais - et on sait pourtant qu'il s'agit d'une cinématographie parmi les plus intéressantes à avoir émergé de la décennie passée ? Villeneuve, dans le dossier de presse, tente une suite d