Tourné en 1991 alors que son réalisateur Derek Jarman était déjà malade du sida (il meurt en 1994), Edward II, très inspiré de la pièce de Christopher Marlowe (1564-1593), devait bénéficier d'un budget suffisamment confortable pour jouir de décors aussi naturels que grandioses (landes et châteaux), d'une figuration importante (le récit étant ponctué de guerres civiles et de batailles) et de costumes fastueux censés récréer les riches heures de la cour du roi Edouard II d'Angleterre (1284-1327), sixième de la dynastie Plantagenêt, fameux pour son incompétence à gouverner et surtout sa passion funeste pour son favori Piers Gaveston qu'il adorait parer des bijoux de sa reine, Isabelle de France.
Bunker. Les producteurs durent en rebattre, et c'est sur des œufs qu'ils annoncèrent à Jarman la lyophilisation du budget prévisionnel. Aux dires de l'un des producteurs (interrogé dans un bonus du DVD), la réaction de Derek Jarman sidéra : «Excellente nouvelle.» Car l'épreuve de la nécessité allait en effet lui donner des ailes. En lieu et place des tours et donjons, un décor tout en blocs noirs et massifs, sorte de bunker labyrinthique propre à suggérer la suffocation progressive où se débattent Edouard et son amant Gaveston. Toujours, un mur bouche la perspective et les couloirs ne mènent nulle part. Le tout éclairé comme sur une scène de cabaret ou de bordel, le plus souvent avec des poursuites.
Pour les costumes, le parti fut pris de l'anachronisme.