La maison de la culture Ibn-Khaldoun se trouve à deux minutes de l'avenue Bourguiba, à Tunis, avec ses tanks, ses barbelés, ses tags («Le peuple a libéré la police»), et la révolution qui passe toute la journée, avec ses orateurs improvisés et les manifestations de lycéens, footballeurs, ouvriers, femmes des quartiers pauvres réclamant un logement… C'est au deuxième étage que s'est réuni, la semaine dernière, pour la première fois tout ce que la Tunisie compte de cinéastes, monteurs et techniciens, afin de faire repartir l'Association des cinéastes tunisiens (ACT) qui avait été confisquée par Ali Laâbidi, «un vendu au Palais», dit le réalisateur Nouri Bouzid.
Casquette de cuir. Il se passe ici la même chose que dans toute la société tunisienne : les citoyens investissent les structures associatives, culturelles et professionnelles avec l'énergie du néophyte. A l'ordre du jour, la constitution du nouveau bureau de l'ACT. Dans la grande salle, 200 hommes et femmes, certains ne se sont pas vus depuis des années, ils se tombent dans les bras. D'abord, une minute de silence aux morts de la révolution, puis les interventions commencent. Un mélange d'enthousiasme, d'invectives, d'envolées lyriques et loghorréiques. Cela évoque les images de la Sorbonne en 1968, y compris la densité de nicotine qui flotte au-dessus des têtes, mais avec beaucoup moins de violence et aucune trace d'idéologie. A peine, de temps en temps, une vague allusion aux Lumières