«J'ai toujours été un drôle d'oiseau», disait modestement Agusti Villaronga dimanche soir, sur la scène du Teatro Real de Madrid, en recevant une des statuettes récompensant son film Pa Negre («pain noir») : neuf goyas dont ceux de meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice… Une première pour un film tourné en langue catalane. «Drôle d'oiseau» est un euphémisme : Villaronga, né à Majorque en 1953, traîne depuis vingt ans une réputation d'auteur maudit, incapable de confirmer les espoirs suscités par son premier film, le sulfureux Tras el Cristal (1986). Une histoire de rapports pervers entre un criminel nazi enfermé dans un poumon d'acier et un adolescent manipulateur, tardivement découverte en France grâce à sa sortie en DVD (2009, sous le titre Prison de cristal).
Tuberculeux. La suite de sa carrière a été chaotique : l'échec de l'ambitieux El Niño de la Luna, qui passe inaperçu à Cannes en 1989, condamne son auteur à une longue traversée du désert. Après une poignée de commandes, dont une adaptation réussie de Simenon pour Arte, le Passager clandestin, il sort la tête de l'eau avec l'outrancier El Mar (2000), où de jeunes tuberculeux enfermés dans un sanatorium vivent les tourments de la chair et la répression sexuelle de l'Espagne franquiste.
Pa Negre, tiré d'un roman d'Emili Teixidor, a aussi pour toile de fond l'immédiat après-guerre civile. Dans la Catalogne rur