Annie Girardot n'a jamais joué qu'un seul rôle : le sien. De film en film, les Français ont aimé tout genre confondu, du mélo à la comédie, voir son visage d'actrice sans glamour et sans fard, entendre sa voix de fumeuse invétérée, son débit à la mitraillette, assister à l'effet électrisant de sa présence d'oiseau nerveux sautant dans le nid dépenaillé d'un cinéma français pas toujours bien accroché aux branches. Tragédienne de sa propre vie et de sa carrière jusqu'à l'hébétude sans mémoire de la fin, recevant en larmes un césar en 1996 pour son rôle dans Les Misérables, de Claude Lelouch : «Le cinéma m'a manqué follement, éperdument, douloureusement. Votre témoignage et votre amour me prouvent que peut-être je ne suis pas encore tout à fait morte.»
Pléthorique. La déclaration devant le parterre ému de la famille du cinéma français mesurant soudain la fragilité de toute carrière était tombée comme la foudre. On voyait sur elle les effets de l'âge, bien sûr, mais ce qui frappait dans le film cruel de Haneke, c'était l'agressivité totale de la performeuse hors pair, s'imposant dans un second rôle face à Isabelle Huppert qui la projetait violemment contre une armoire avant de lui demander pardon en la couvrant de baisers incestueux.
On pouvait alors se dire à quel point la carrière de Girardot au cinéma avait été étrangement dépourvue de rencontres avec des cinéastes de taille capables de lui offrir non seulement les rôles qu’elle méritait mais