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Libération
Critique

Trompés jusqu’aux os

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En filmant une famille lessivée par la crise, Debra Granik s’immerge dans l’Amérique des marges. Puissant.
(DR)
publié le 2 mars 2011 à 0h00
(mis à jour le 2 mars 2011 à 9h37)

«Si vous avez mégoté sur l'effort dans les petits matins blêmes, c'est sous la cruelle lumière des projecteurs que ça vous retombera dessus.» On prête la citation à Joe Frazier, le seul boxeur qui avait réussi à mettre sur le cul Mohammed Ali au temps de sa splendeur. La phrase a inspiré le titre du premier roman de Daniel Woodrell et, par une heureuse coïncidence, elle va comme un gant au film de Debra Granik. La réalisatrice américaine a passé près de quatre ans de sa vie à peaufiner l'adaptation d'un autre roman de Woodrell, Winter's Bone, traduit en poche aux éditions Rivages sous le titre Un hiver de glace. Quatre ans durant lesquels, justement, elle n'a mégoté sur rien, multipliant les voyages de New York où elle vit pour le fin fond du Missouri, sillonnant en tous sens les monts Ozarks, contrée frisquette à demi-sauvage où pauvreté et rudesse sont aussi vivaces que les sapins qui recouvrent la montagne. Elle y a cherché obstinément tout ce qui fait l'ossature et la chair de son film. Et, bonne nouvelle, elle a tout trouvé.

«Chien errant». Daniel Woodrell pour commencer, qui y habite et qui a fait de ce décor éternellement Américana le cadre et le moteur de la plupart de ses polars réalistes. Debra Granik y a écrit un scénario d'une noirceur oppressante, s'accrochant au cruel parcours initiatique d'une jeune fille chassée de son adolescence à coups de godasses, et ça n'a rien d'une métaphore. Elle y a déniché aussi les paysage