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Libération
Critique

Mille Tanner !

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Le festival Théâtres au cinéma, à Bobigny, consacre une rétrospective au précurseur du Nouveau Cinéma suisse.
publié le 9 mars 2011 à 0h00

On a souvent écrit, à Libé, que le Suisse Alain Tanner réussissait en moyenne un film sur trois. Le Tout Tanner que programme le Magic Cinéma de Bobigny permettra peut-être de nuancer cette moyenne. On pourra surtout voir que si cette fréquence existe, c'est qu'il y a bel et bien trois Tanner : l'anarchiste, le fugueur et le portraitiste des femmes. Tous relèvent d'une même conscience du monde, mais tous sont différents dans leur humeur. Si bien qu'ils ne sont pas forcément aimables au même moment et par les mêmes personnes.

Aimable, Tanner ? Il n'y a pas de réalisateur aussi peu désireux de plaire, filmant dos tourné, envoyant chier la séduction opératoire dont usent et abusent la majorité de ses confrères. Il y a eu un temps - les années qui suivirent la contestation 68 -, où ce caractère de cochon était sanitaire. Revoir aujourd'hui la Salamandre, ou Charles mort ou vif, c'est s'étonner encore et toujours devant cette santé de feu et de fer. Et comme cette époque-là était elle aussi sensible à ce type de déboulonnement, il y a eu dix ans où Tanner et un certain public feront chemin ensemble. En 1971, la Salamandre fit 300 000 entrées à Paris, et ce succès lui fit gagner le titre de chef de file du Nouveau Cinéma suisse (au côté de Goretta, Soutter…). Mais cette mauvaise humeur a fini par tourner à l'acrimonie d'arrière-garde ces dix dernières années. Si on compare la Salamandre de 1971 (avec Bulle Ogier) avec son sequel