Ken Loach. 74 ans et toujours l’air d’un oisillon tombé du nid. Silhouette frêle, regard grave, qui laissent présager une partie serrée plus que de plaisir. Tant mieux. Un révolté forcené et for ever, c’est ce qu’on escomptait, ce pourquoi on a voulu cette rencontre avec un cinéaste que d’aucuns désormais boudent au prétexte qu’il serait en boucle, faisant et refaisant le même film militant ad libitum. Loach personnifie pourtant l’Indignez-vous! encensé de Stéphane Hessel. Mais il en va de la politique comme des sentiments : il est plus facile de s’emballer sur 32 pages que pendant cinquante piges. Et initialement séduisant serment, l’engagement souvent prend l’allure de renoncement, plus sexy pour un rond.
C’est vrai qu’il faut se les cogner, les films de Loach. Vies cabossées aux horizons bouchés, torpillées d’avance, dès la naissance dans la working class, vies de malchance et de violence, tributaires de l’Histoire, instrumentalisées par les puissants mais pas seulement, par des pairs aussi. Loach : du malheur à la louche. Un procès en continu de l’injustice, sur le mode du réalisme social antiséducteur. Principal décor : l’Angleterre, qui en ressort si essorée que, à domicile, Loach est souvent vu en ennemi de l’intérieur. Seules éclaircies dans ce ciel de plomb, l’amour et l’amitié. Ils ne triomphent pas forcément mais opèrent en onguents apaisants.
Un Roger Gicquel du 7e art (à la Coluche : «Quand un avion s'écrase dans le monde, c'est t