Tard dans la nuit, surgissant des ténèbres pluvieuses de quelque ville archétype de vieille province (Régua, au Portugal), un quidam sonne à la porte d'une boutique archi-fermée. Et insiste. A trois reprises. Une lumière finit par s'allumer à l'étage. «C'est à quel sujet ?» demande la dame qui apparaît au balcon. Et nous donc : c'est à quel sujet ? C'est au sujet de l'Etrange Affaire Angélica, le 57e film de Manoel de Oliveira. Ça ne pouvait pas attendre ? C'est une urgence ? En effet, et quelle ! Généralement, c'est à la porte d'une pharmacie qu'on toque ainsi à pas d'heure. Ici, il s'agit du magasin d'un photographe. Angélica, jeune femme de famille riche, vient de mourir. Sa mère désire qu'on fasse d'elle un ultime portrait. C'était donc ça qui exigeait qu'on nous réveille : une histoire à dormir debout, une certaine idée fabuleuse du cinéma.
Oliveira, marabout autant que guérisseur, nous ouvre son échoppe à sortilèges, une petite boîte magique à irresponsabilité illimitée. Mieux que ça : une baraque de fête foraine, une attraction ancestrale, un chamboule tout (le cinéma), une séance d’hypnose. Les yeux dans le vide, Oliveira se demande ce qui se passerait si à force de fixer une image elle se mettait - on l’espère, on le craint - à bouger. C’est ce qui arrive à Isaac, jeune photographe mandé, lorsque fixant son objectif sur la défunte, il voit qu’Angélica ouvre les yeux et lui sourit. C’est aussi, image qui bouge, une définition primale du ci