Il y a sept ans de cela, à Rome, un soir de canicule, l'humble Tonino de Bernardi nous recevait dans un modeste appartement, au dernier étage d'un immeuble béni par une icône sainte, au pied d'un quartier que Pasolini, dans son dernier roman, Pétrole, décrivait comme étant l'antre du Diable : population sud-américaine, prostituées, petites gouapes. Tout en servant les pâtes, Tonino de Bernardi évoquait déjà un projet de film pour Isabelle Huppert qui confronterait la figure mythologique de Médée avec le temps présent. Certains de ses amis l'entendaient parler de ce film depuis plus longtemps déjà (lui dit que l'envie remonte à 1993, lorsqu'il fit la connaissance de l'actrice à Locarno).
Apatride.Médée Miracle arrive aujourd'hui enfin - miracle, oui. Ou Misérable Miracle, comme dirait Michaux. Le film est sublime, mais qui le sait ? Qui est réellement au courant de l'existence artistique de ce type, né en 1937 près de Turin, de sa vingtaine de films (des longs, des courts, des vidéos, des journaux filmés, des opéras de poche) d'une beauté rare ? Tonino de Bernardi est un des derniers grands cinéastes poétiques encore à découvrir. Alors miracle que de voir enfin ce film qui fait son or avec rien, une petite caméra, une grande actrice, des rues de Paris comme on n'en voit jamais que chez Rivette, et un sens de la poésie qui fait de Bernardi un correspondant italien de Werner Schroeter. Grandeur de la Huppert qui continue, depuis Ma