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Libération
Critique

L’écharpé sauvage

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Survie. Dans le pur et violent «Essential Killing», Jerzy Skolimowski décrit la fuite primitive de Vincent Gallo en terroriste mutique.
"Essential killing" avec Vincent Gallo. (DR)
publié le 6 avril 2011 à 0h00
(mis à jour le 6 avril 2011 à 15h32)

On pourrait trouver inexplicable la discrétion dans laquelle est tenu le cinéma de Jerzy Skolimowski : c’est facilement l’un des meilleurs cinéastes au monde, et depuis longtemps, mais son nom n’apparaît pratiquement jamais sur la short-list, tacite ou subliminale, du meilleur goût cinéphile mondial. Il y a en fait une explication, et même deux.

D'abord, le monde a changé et la critique aussi, ou plutôt son espace vital. Si elle n'a jamais fait défaut à Jerzy Skolimowski, la critique n'agit plus depuis un influent magistère. Son espace manque de volume et d'air. Par exemple, pour donner la mesure de ce que l'on peut ressentir devant Essential Killing, il faudrait commencer par couvrir six pages de ce journal de photos blanches, et n'écrire que quelques mots sur la septième. Des mots que l'on ne pourrait pas découper ensuite en slogans publicitaires bien rangés sous autant de casquettes non réconciliées : «Divin !» (Télérama) ; «Sublime !» (le Figaro) ; «Sauvage !» (Libération)…

L’autre raison qui explique la notoriété modérée de Jerzy Skolimowski, et le succès relatif de ses films, c’est bien sûr lui-même. Il n’est pas exclu qu’il ait ardemment désiré ce statut de passager clandestin de l’art, qui ne saute dans le trafic du cinéma qu’à certaines conditions dont il est le premier maître. Parfois, il préfère peindre. D’autres fois, il se glisse - à la perfection - dans la peau d’un acteur, là encore en choisissant soigneusement le cadre et l’heure : David Cron