On l’a emmenée dans un grand camion jaune jusqu’à un bois près de Paris y faire ces photographies, puisque le soleil tapant sur l’asphalte ce jour-là d’avril, s’est-on dit, lui aurait rôti la chair en quelques minutes. Cette fille à la silhouette d’elfe, de fée au visage clair errant en bordure de toundra, cette Alba Rohrwacher est pourtant, malgré la peau et le nom, une actrice italienne de 32 ans (elle en fait dix de moins), qui parle avec les mains, des mains fines et minces d’enfant qui n’ont jamais remué les champs.
Elle est arrivée la veille au soir de Berlin (elle y tourne le prochain film de la cinéaste allemande Doris Dorrie, qui a notamment réalisé Cherry Blossoms), et bien qu'elle reparte l'après-midi même, Alba est matinale (le rendez-vous était fixé à 10 h un samedi = l'aube pour une actrice). Elle rejoint pile à l'heure son hôtel chic, elle était juste sortie boire un café avec Saverio Costanzo, le jeune réalisateur de la Solitude des nombres premiers, à Paris lui aussi pour la promotion de son film dans lequel Alba est éblouissante.
Elle triture la barrette qui retient ses cheveux courts, et ses chevilles s’entortillent comme celles d’une adolescente un peu gauche. Dans le salon de l’hôtel où l’on s’est installées avant de rejoindre le camion jaune (Alba s’exprime en italien, la traductrice est hyperconcentrée tant l’actrice parle beaucoup, et vite), dans ce salon lourd d’une atmosphère vieille France, Alba Rohrwacher déploie sa douceur de bonn