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Libération

En enfilade

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publié le 13 mai 2011 à 0h00

Mon cher Libé, je suis là toute folle de rage. Ce matin, vers 7 h 45, je me présente sans façon à la projo de la compète : mes pieds moulés dans des bottines de cuir garance, une vague meurtrière de cheveux cassis fracassant mes yeux de cristal vert, ma bouche purpurine le disputant, question palpitation, à ma gorge gonflée par un désir d'avenir. Bref toute en buste, telle la tsarine Alexandra Romanov avant le massacre d'Ekaterinbourg, j'attendais mon tour. Un peu vénère cependant de faire la queue, immergée dans le bétail puant (et pas que des pieds) qui, dès potron-minet, piétine aux portes de l'auditorium Lumière. Une blancheur johannique tombait du ciel, d'où s'arrachait la blancheur querelleuse d'une mouette (Post-it sur mon front : «penser à relire mes poèmes»). Bref, j'hallucinais (grave) le réel, et sa beauté fondait sur moi, m'emportant dans ses serres d'argent, tel l'agneau de la Bible (ou Milou dans le Temple du soleil). Le temps passe, la queue s'épaissit tout en avançant. Mais à contre-courant d'un rapport sexuel, plus ça grossit moins je la sens. Total : me passent dessus des types horribles, des femmes laides, encore tachés de café mal avalé, et la cream team de Libération qui continue de ne pas me reconnaître malgré mes «You-ou les filles, je suis là !»

Quand près de 1 437 personnes furent entrées dans la salle et pas moi, un pitbull maquillé en service d'ordre me toise et lâche : «Keskèveu la grosse ?» Je