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Libération
Dans les archives de «Libé»

«Hitchcock, unique comme une étoile»

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Dans les archives de «Libé». Alfred Hitchcock est mort à Hollywood à l’âge de 80 ans. Touché par la disparition du maître, Jean-Luc Godard, répond à nos questions.
La Une de Libération du 2 mai 1980.
publié le 14 mai 2011 à 0h00

Jean-Luc Godard est amer. Un peu comme un naufragé qui se débat avec toute l’énergie du désespoir pour pouvoir encore faire du cinéma. Et on sent que le plaisir de filmer est le principe fondamental de sa vie. Jean-Luc Godard dit qu’il survit. Et si la mort d’Alfred Hitchcock le touche, c’est que cette mort symbolise, selon lui, un refoulement général du visuel et que Hitchcock, plus que tout autre, incarna entièrement le cinéma.

Pourquoi Alfred Hitchcock est-il si profondément identifié pour le public au cinéma américain, au point de l’incarner ?

Parce qu’il a restitué pour les gens toute sa puissance à l’image et aux enchaînements d’images ! Avec Hitchcock, les gens ont été contents de redécouvrir que le cinéma avait encore cette puissance extraordinaire que rien n’égalait.

Pourquoi restitué ?

Parce que cela avait été perdu. Il a redéfini pour les gens ce que le cinéma muet avait dû être, un truc très populaire mais qui allait très au-delà. Et qui, avec la complicité de la presse, des scribes et de la manière dont on utilise le langage (ceux qui se servent de la littérature pas pour communiquer mais pour diriger), avait été domestiqué par l’invention du parlant.

Le cinéma, c’est l’enfance de l’art. Les autres arts, c’est l’art adulte. Et le cinéma avait repris tous les autres mais à un échelon populaire, au stade de l’enfance. C’est pour cela que c’est un art démocratique alors que la musique et la peinture ont toujours été très élitistes. Même quand Mozart s’inspirait d’une fanfare de village, c’était toujours pour un prince. Et le cinéma a apporté la force de Mozart et de Picasso dans l’Himalaya aussi bien que