C’est sans doute un privilège des cinéphiles, mais «notre» Jeanne d’Arc est celle des films et de l’histoire du cinéma avant d’être celle de l’histoire de France. Le film de Jeanne est en effet un genre cinématographique : il date pratiquement de la naissance du cinéma, avec des variantes inutiles par dizaines. Mais ce genre a aussi aimanté vers lui les génies et les chefs-d’œuvre. Un peu comme les grands peintres se mesurent par-delà les générations en interprétant le même motif (la Vierge à l’enfant, l’Annonciation…), quelques fameux cinéastes se sont emparés du mythe de la Pucelle pour en donner leur vision, où ce qui importe n’est plus tant le sujet historique que son traitement, et c’est pourquoi l’on dit : la Jeanne d’Arc de Rivette, celle de Preminger, de Bresson, de Rossellini, ou même celle de Méliès.
Cailloux. A l'aune de ce préambule, on mesurera la première difficulté qui s'est posée à Philippe Ramos quand lui est venue l'idée d'entreprendre Jeanne captive, qui accompagne les dernières années de l'héroïne suprême, depuis son arrestation jusqu'à sa vente aux Anglais, son procès et sa mise au bûcher. Comment apporter son grain de sel à l'édifice sans avoir l'air extraordinairement prétentieux et sans s'exposer à de redoutables comparaisons ? Une première partie de cette équation est résolue avec élégance par Ramos, qui donne à plus d'un titre le sentiment de se placer sous l'influence de ses plus illustres prédécesseurs mais sans prétendre